Sans doute faut-il commencer par une précision. Les hexagonaux pensent habituellement que les malheureux Américains ne disposent, ou plutôt ne bénéficiaient avant la présidence supposée providentielle d'Obama, d'aucune protection sociale digne de ce nom.
Rien de plus contraire aux faits que cette légende urbaine.
À partir de 1935, sous le gouvernement de Roosevelt fut mis en place outre-Atlantique un système national d'assurance vieillesse. (1)⇓ Il couvre aujourd'hui 96 % des citoyens des États-Unis. Moyennant une cotisation égale à 12,4 % des salaires ou des gains des travailleurs indépendants, avec un plafond de 9 000 dollars par mois, ce dispositif verse après un départ en retraite que les intéressés peuvent fixer eux-mêmes, pratiquement à la carte, entre 62 et 70 ans, une pension vieillesse moyenne de base de l'ordre de 1 100 dollars par mois. Les veuves, les handicapés et les orphelins touchent des réversions correctes. Les gens qui le souhaitent complètent évidemment ce minimum national unique par des fonds de pensions professionnels ou, surtout, par l'épargne personnelle. Les comptes de ce système bien rôdé sont équilibrés. Il est d'autre part garanti par des provisions importantes investies en bons spéciaux du Trésor. (2)⇓
Le bât blesse, du point de vue financier, dans l'assurance-maladie et tout particulièrement dans le mécanisme par lequel les 46 millions de retraités bénéficient d'une couverture hospitalière à peu près gratuite. Cette institution s'appelle Medicare et elle porte la responsabilité essentielle de la dégradation des comptes publics américains.
Medicare est financée par une cotisation versée par les actifs à concurrence de 2,9 % de leurs revenus. Les recettes ont été pour l'année 2010 de 191 milliards de dollars. Or, les dépenses de Medicare dépassent désormais 500 milliards de dollars. Coût pour le budget fédéral : plus de 300 milliards de dollars par an. Ceci représente à peu près chaque année la valeur cumulée de la dette [dont on nous rappelle opportunément le caractère catastrophique, pour le monde entier] de l'État grec. Et contrairement à son homologue athénienne cette perte ne prévoit aucune sorte de remboursement.
Il existe certes d'autres charges qui, contribuant à la ruine des finances états-uniennes, expliquent en partie les difficultés globales des économies occidentales. Mais aucune ne vient sérieusement concurrencer les pertes de Medicare des dix dernières années : 3 000 milliards de dollars.
À titre de comparaison on retiendra que "le coût direct de la guerre du Vietnam s'est élevé à 140 milliards de dollars et les coûts indirects sont évalués à 900 milliards." (3)⇓ Les adversaires de la guerre d'Irak affirment qu'elle a engendré 788 milliards de dépenses et que, au total, elle pourrait [éventuellement] atteindre un coût total de 2 000 milliards de dollars. (4)⇓
Or, à la différence du Vietnam et de l'Irak, dont les conséquences pour l'occident ne sont plus à décrire, on n'entend guère parler de retrait dans les subventions budgétaires fédérales des USA au programme Medicare. Pas plus qu'en France, de toute évidence on ne doit croire au désintéressement de tous ceux qui gèrent cette énorme usine à détruire. Les républicains demandent des "coupes". On ne peut que leur donner raison. Malheureusement le terme incite à la circonspection les amis du jardinage. Car le propre du règne végétal, à la différence des effets de la guillotine, est de voir repousser ce que l'on coupe.
Au Vietnam les Américains étaient confrontés au Dr Marx.
Dans les différents systèmes d'assurance-maladie occidentaux, nos civilisations compassionnelles, émotionnelles, consommantes et vieillissantes doivent résoudre le problème que leur pose le Dr Alzheimer.
Les gouvernements américains ont adopté Medicare à partir de 1964. Il s'agissait de la pièce maîtresse années de la Great Society annoncée par Lyndon B. Johnson. Nul doute que cette voie extrêmement "solidaire" et finalement très étatiste, conduit à la catastrophe. Toute tentative d'imitation conduirait à des résultats analogues. Si la campagne présidentielle française parvient à dépasser l'évocation [passionnante] de l'affaire DSK, elle pourrait [éventuellement] inciter à la réflexion. Mais je sais que l'on me reprochera ici de trop croire aux effets bénéfiques de la démocratie plébiscitaire en général et de la cinquième république en particulier. En fait, depuis plus de 600 olympiades, les lecteurs de Thucydide peuvent savoir en gros de quoi il retourne.
Alors, j'arrête de rêver à un débat ouvert, je contemple le désastre et j'invite mes amis à en tirer les leçons.
JG Malliarakis
Apostilles
- Social security act du 14 août 1935⇑
- Une excellente synthèse de ce système a été publiée par l'association française "Sauvegarde des Retraites" (53 rue Vivienne 75105 Paris Cedex 02) Études et analyses N°37 rédigée par le professeur Jacques Bichot.⇑
- cf. Encyclopédie canadienne.⇑
- cf. National Priorities Project et études de l'Université de Harvard. ⇑
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Il contient en annexe plus de 95 documents diplomatiques. Il leur donne une explication d'ensemble comme caractéristiques de cette alliance – communément appelée "pacte germano-soviétique" – et il souligne le fait que furent signés et négociés plusieurs "pactes".
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