L'Insolent

Une impression de bricolage dans le budget

Valérie Pécresse ne manque ni d'habileté ni de pugnacité. Les deux lois financières qu'elle propose aux votes des deux chambres pour l'année 2012 ne résulte pas de ses seuls choix. Au contraire, tout indique que le gouvernement se trouve ficelé par des contraintes administratives et des pesanteurs clientélistes. La continuation technocratique du misérable plan Juppé lui impose l'exercice d'une soi-disant législation prétendant vainement cornaquer la baleine tueuse que l'on appelle "sécurité sociale" mais qu'on pourrait tout aussi bien nommer Moby Dick.

Malheureusement pour notre ministre du budget elle doit communiquer sur des documents qu'elle sait peu fiables. On rappellera au besoin que ce n'est pas seulement sur une prévision de croissance de 1,75 %, mais sur une anticipation de hausse des recettes fiscales nettes de 7,5 %, dont 5,4 % d'évolution spontanée et 2,1 % dû aux mesures fiscales nouvelles (1)⇓ qu'est fondé le budget 2012. La soi-disant réduction des déficits suppose tout cela.

À l'Assemblée le 24 octobre Charles de Courson, député Nouveau Centre de la Marne, avait demandé des précisions à la ministre sur la situation économique, évoquant "les rumeurs qui courent depuis dix jours dans tout Paris". Mme Pécresse lui a répondu : "Attendons mercredi", en raison du conseil européen du 26 octobre. Et elle a répété cette réponse ce 25 à l'usage du grand public (2)⇓ . Encore une petite minute, Monsieur le bourreau… On se demande combien de Français, combien d'investisseurs internationaux, et quelles agences de notation, peuvent bien prendre au sérieux ce type d'arguments.

Avant tout on doit partir de ce constat : la fiscalité française, extrêmement complexe pour ne pas dire incompréhensible, addition de quelque 500 dispositifs d'exonérations pour le seul impôt sur le revenu, créatrice en 5 années d'une présidence supposée réformatrice de quelque 30 taxes et impôts nouveaux et supplémentaires, résulte d'une longue suite de rafistolages à partir d'orientations successives contradictoires.

De la sorte, quand un François Hollande, dans son dernier débat l'opposant à la camarade Aubry le 12 octobre qualifiait cette réglementation de "bricolage", il jouait évidemment sur du velours. Son camarade Cahuzac va même jusqu’à parler "d'insincérité" (3)⇓ ).

N'oublions cependant pas que le contraire d'un bricoleur cela s'appelle un professionnel, et qu'on n'en sort pas obligatoirement rassuré.

Ferait-il mieux en effet, ce candidat socialiste, si par malheur, accédant le 6 mai 2012 à la présidence de la république, son parti et ses alliés disposant à partir de juin, d'une majorité dans les deux chambres ? On peut affirmer à l'avance que non.

Car le très ambitieux programme "rouge"  (4)⇓ rédigé par l'équipe Piketty démontre, par la référence qu'il impose à gauche, et par ses points faibles intrinsèques à quel degré sa "révolution fiscale" aggraverait en fait les défauts de ce bricolage qu'elle dénigre.

La proposition centrale n'en a pas reçu beaucoup de critiques, et elle paraît même bénéficier d'un assez large, d'un trop large acquiescement, y compris affirme-t-on, dans les rangs de l'UMP.

Elle consisterait à faire fusionner deux prélèvements, de nature juridique et technique pourtant fort différentes :

1° l'impôt sur le revenu IR [que l'équipe Piketty persiste à désigner de son sigle antérieur d'IRPP], d'une part ;

2° et la CSG d'autre part, dont les mêmes réformateurs semblent ignorer à la fois le taux effectif actuel en vigueur au moment de l'écriture et de la parution de leur ouvrage, l'historique et même la controverse qui oppose à son sujet le conseil d'État, la cour de Cassation et même les autorités européennes, puisque les travailleurs frontaliers en ont été exempts.

Or cette "Contribution sociale généralisée" inventée par Rocard et aggravée par Juppé, ce qui en soi devrait être tenu pour un fort mauvais double présage deviendrait, après absorption de l'IR, la fiscalité globale affectant les salaires et les profits, ainsi que le revenu brut des entrepreneurs individuels.

Les réticences administratives raisonnables pourraient bien, et on ne le regrettera pas, conduire à remettre cette réforme à une échéance ultérieure, la plus lointaine possible.

En revanche la trace de l'Utopie se retrouvera de toute manière au gré d'autres aspects, plus exactement d'autres mesures fiscalistes.

L'une d'elle revient à plusieurs reprises au gré des 130 pages du petit livre rouge, et elle donne bien la mesure de la déraison fiscaliste. On entend taxer les loyers fictifs. Les particuliers seraient contraints d'incorporer dans leur revenu imposable la masse de ce qu'ils payeraient pour l'usage des logements dont ils sont propriétaires. Une telle disposition entraînerait des conséquences difficiles à évaluer d'avance, mais qui se révéleraient à l'évidence fort lourdes. Les uns se trouveraient obligés de vendre leur appartement et/ou leur résidence secondaire. Mais où se recruteraient les acquéreurs dans le contexte d'insécurité juridique et fiscale qui apparaîtrait alors. D'autres, plus habiles, échangeraient leurs situations en devenant locataires, etc. L'optimisation fiscale battrait son plein. Et très rapidement les gros propriétaires trouveraient des solutions plus favorables que celles des classes moyennes, dindon de la farce comme d'habitude.

Bref, l'absurdité du système éclaterait au bout de quelques années, et son impopularité plus rapidement encore. Hélas, si l'on veut bien se référer à l'expérience des 30 dernières années, les remèdes interviendraient dans la douleur, la pusillanimité, les cafouillages. On réformerait la réforme, on la compliquerait encore, et les conséquences catastrophiques continueraient.

Plus durable encore, et sans doute plus néfaste se révélerait une autre proposition à laquelle l'équipe Piketty tient beaucoup : la substitution d'une comptabilisation individuelle aux derniers reliquats du quotient familial.

Finies les déclarations conjointes, finies les déductions en fonction du nombre d'enfants et des droits de garde. La progéniture des Français, dans ce paradis post communiste, appartient à la Nation, les parents n'y pourvoient qu'en qualité de salariés sous-traitants de l'État, qui les éduque si bien.

Faisons à cet égard confiance au groupe parlementaire du PS, alliés aux "républicains, citoyens et communistes, ainsi qu'aux "écologistes politiques". Disposant d'une pareille réserve de propositions alternatives de "réformes structurantes et signifiantes", ils ne sauraient corriger la tendance au bricolage : au contraire, ils l'aggraveraient.

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. cf. Exposé des motifs du PLF 2012, déposé par M. Fillon et Mme Pécresse le 28 septembre sous le N°3775, page 15. ⇑
2. sur RTL 25/10/2011 à 7h50 répondant aux questions d'Alba Ventura.⇑
3. cf. site du Point le 25/10/2011 à 0h19.⇑
4. Le titre de ce livre bleu "Pour une libération fiscale" en fera, notamment, une réponse au livre rouge de l'équipe de gauche dirigée par Thomas Piketty "Pour une révolution fiscale". Il soulignera les voies de réformes possibles de l'archaïque fiscalité française, en fonction des réductions nécessaires de la dépense publique. Ce livre de 190 pages environ paraîtra fin janvier 2012, pour tenir compte de la loi de finances et de la loi de sécurité sociale qui auront été promulguées le 31 décembre 2011. Son prix de vente sera de 20 euros. On peut y souscrire dès maintenant au prix de 15 euros, port compris.
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Dans le train train du débat budgétaire

Moins spectaculaire que l'actualité sportive, moins haletante que les psychodrames bruxellois, moins problématique que les triomphes islamisto-occidentaux du printemps arabe, en marge des grandes hypothèses que l'on remue autour de sondages approximatifs, les procédures parlementaires méritent cependant l'attention.

À leur lumière en effet on découvre que les vrais problèmes franco-français et les échéances constitutionnelles demeurent. Ainsi prépare-t-on à nouveau pour la fin décembre le vote des deux lois financières annuelles, régissant respectivement d'une part la vie de l'État et, depuis l'illusoire et calamiteux plan Juppé de 1995, celle de la sécurité sociale.

Le train train du débat budgétaire a donc commencé pour de bon pendant la semaine écoulée au Palais Bourbon.

Certains, dans les rangs de la majorité, se contentent d'applaudir au seul fait que le "budget fait passer le déficit de 95,5 milliards en 2011 à 81,8 milliards en 2012." Et de déclarer sans rire que "l’effort est remarquable." (1)⇓ Ceci ne saurait convaincre qu'une partie des rangs de l'Assemblée nationale.

Tout de même une réflexion du président de cette institution mérite réflexion. M. Bernard Accoyer, si propre sur lui et si conformiste d'habitude, ose dénoncer en effet "le concours Lépine des nouveaux impôts".

À propos de l'extension aux boissons énergisantes de la taxe sur les sodas inventée par le gouvernement le 24 août, il n'hésite pas à déclarer : "Toute cette fiscalité diététique ou disciplinaire, c'est quelque chose que je n'admets pas... On commence par le sucre, on continue par les édulcorants, demain ce sera l'alcool dans le vin, après-demain la graisse dans les fromages, tout ça c'est n'importe quoi... Ne confondons pas la fiscalité et l'éducation à la diététique". (2)⇓

On remarquera d'emblée que ce propos demeure ambigu sur un point : il ne remet pas complètement en cause le concept de fiscalité comportementale lui-même, dans la mesure où de manière douteuse il dissocie éducation et diététique. Mais il ne semble pas encore répugner au rôle éducateur de l'État. De tels propos télévisuels, tenus sur une chaîne qui privilégie le divertissement peuvent bien avoir été prononcés de manière légère. Et il faudrait s'accorder sur leur formulation en style écrit.

Dans une question aussi importante que ce qu'on appelle l'Éducation nationale la nuance devient colossale. Ainsi, quand une candidate réputée marginale comme Christine Boutin énonce la proposition audacieuse de ramener cette administration centralisée tentaculaire de 1 300 000 fonctionnaires, dont 800 000 enseignent, à une fonction d'instruction publique et non plus d'éducation, rôle dévolu à la famille, on aborde une question décisive, y compris pour les finances de l'État.

M. Accoyer a également repoussé une taxation des transferts dans le podosphère : "Encore une fois, c'est le concours Lépine, la boîte de Pandore des nouveaux impôts. Nous ne sommes pas dans cette logique".

En cet automne 2011, le dernier budget de la législature donne ainsi à l'actuelle majorité parlementaire l'occasion d'administrer la preuve de ses qualités d'invention.

Loin d'enfreindre l'article 40 de la constitution de 1958, en effet, jour après jour, on voit apparaître les propositions d'impôts nouveaux. On les voit se battre à qui proposera de mieux surtaxer les boissons sucrées.

De fort bonne grâce, le groupe parlementaire socialiste est entré dans le jeu. Il s'apprête pour sa part à déposer des amendements visant à supprimer dès 2012 plus de 12 milliards d'euros de niches fiscales jugées inutiles. Pour expliquer cette démarche, Jean-Marc Ayrault plastronne : "La droite nous accuse de vouloir créer de nouvelles dépenses nous proposons au contraire de nouvelles économies. Nous avons décidé de taper fort". (3)⇓

Pierre-Alain Muet, porte-parole PS au nom prédestiné dans le débat budgétaire, chiffre ainsi la totalité des amendements à "plus de 15 milliards de suppressions de niches fiscales". À celles-ci s'ajouterait l'instauration d'une "tranche supérieure de l'impôt sur le revenu à 45 % au-delà de 100 000 euros".

Les amendements en question, qui ne sont pas encore rédigés, ont peu de chance d'être adoptés, le projet de loi de finances devant subir très peu de changements, comme le gouvernement l'a demandé le 18 octobre aux élus UMP majoritaires dans les rangs de l'Assemblée.

On doit donc noter que l'on baptise à nouveau "économies", "réduction des dépenses" ce qui tombe pourtant de la première partie de la loi de finances, au titre des recettes, en proposant de les augmenter, c'est-à-dire d'alourdir les impôts.

Certes ce usage rhétorique orwellien remonte à plusieurs années. Sur ce terrain le PS ne fait preuve d'aucune originalité. On se demande, à dire vrai, si un tel recours à la "novlangue" est voulu par les locuteurs ou s'il résulte des influences administratives. Mais le concept de "dépense fiscale" est entré à ce point dans les cerveaux qu'on finit par s'habituer à l'entendre, que certains l'utilisent en toute ingénuité et sincérité, sans en mesurer la perversité.

Inutile de trop s'étendre sur l'arithmétique et sur la conclusion habituelle : augmenter de tant de points ou de pourcentages les taux d'imposition nous est toujours présenté avec la mention "ça rapporte" telle ou telle somme. Malheureusement, alourdir le multiplicateur du taux d'imposition entraîne généralement la fuit du multiplicande de la matière imposable. Parfois minime, parfois considérable, cette conséquence évidente, que l'on a appelé l'effet Laffer, mais que l'on aurait pu aussi bien tenir pour un effet La Palice, déjoue assez généralement les stratégies fiscalistes.

Et, comme ce que cela "rapporte" au Trésor public, coûte en fait exactement autant aux contribuables, on ne doit même plus se poser la question de savoir de qui les honorables parlementaires se veulent les représentants.

La réponse ne fait guère de doute s'agissant des socialistes et des communistes. Le plus souvent issus des catégories budgétivores de la fonction publique ou des personnels à statut, on conçoit que leur propre réponse aille spontanément dans le sens de l'étatisme.

On aimerait en revanche apprendre de la droite, ou de ce qui en tient lieu, qu'elle se propose de raisonner autrement que sa rivale.

Elle gagnerait d'autant plus à le faire que l'on se réclame de plus en plus ouvertement en face d'une vaste réforme fiscale à laquelle on entend attacher François Hollande, s'il arrive au pouvoir en 2012, celle-ci s'inspirant du projet Piketty  (4)⇓ .

En l'état actuel la partie n'est pas gagnée ! Va-t-on seulement l'engager ?

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. cf. Intervention d'un élu UMP, M. Jacques Myard, député des Yvelines, lors de la séance du 19 octobre.⇑
2. sur Canal + le 19 octobre.⇑
3. cf. Lemonde.fr avec Reuters le 19.10.11 à 12h39⇑
4. Le titre de ce livre bleu "Pour une libération fiscale" en fera, notamment, une réponse au livre rouge de l'équipe de gauche dirigée par Thomas Piketty "Pour une révolution fiscale". Il soulignera les voies de réformes possibles de l'archaïque fiscalité française, en fonction des réductions nécessaires de la dépense publique. Ce livre de 190 pages environ paraîtra fin janvier 2012, pour tenir compte de la loi de finances et de la loi de sécurité sociale qui auront été promulguées le 31 décembre 2011. Son prix de vente sera de 20 euros. On peut y souscrire dès maintenant au prix de 15 euros, port compris.
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Occultation des fonctions régaliennes

Le feuilleton des débats des primaires socialistes et leur flot de paroles socialistes primaires ont submergé, bien évidemment, ces jours-ci plus que jamais, l'intérêt pour les travaux parlementaires. Au moins les joutes médiatiques ont-elles permis de souligner l'importance de la question budgétaire et le poids du mode de raisonnement fiscaliste.

Il se trouve que, ce 12 octobre, le soir même où Mme Aubry était confrontée sur les plateaux de télévisions à François Hollande, le premier round du débat budgétaire s'achevait au Palais Bourbon. La commission des finances adoptait en effet la première partie, c'est-à-dire les recettes, du projet de budget de l'État pour 2012.

Le député-maire UMP du Perreux Gilles Carrez, nominalement rapporteur général depuis 2002, reconduit en juin 2007 a fait adopter sans difficulté en cette occasion un amendement au projet du gouvernement (1)⇓. Ce texte rédigé en fait par Bercy, abaissera les seuils d'imposition à la contribution exceptionnelle de 3 % sur les hauts revenus à 250 000 euros et de 4 % au-delà de 500 000 euros pour un couple, cette taxe étant instaurée à tire provisoire, nous dit-on, et jusqu'au retour à l'équilibre des comptes publics.

La commission a également adopté un amendement, présenté par MM. de Courson et Diefenbacher, qui fixe le taux de la contribution sur les boissons sucrées contenant, non seulement des sucres ajoutés mais aussi des édulcorants, à 6,22 euros par hectolitre. On nous assure à ce sujet qu'une partie de la recette sera affectée à la Caisse nationale de l'assurance-maladie, l'autre étant destinée secteur de l'agriculture.

Une fois de plus on doit souligner que l'universalité budgétaire remontant au baron Louis, restaurateur des Finances françaises dès 1814 (2)⇓ , et dont le principe s'était vu solennellement réaffirmé par l'ordonnance de janvier 1959, quoique paradoxalement écorné par l'article 40 de la Constitution (3)⇓ , se trouve une fois de plus violé dans les faits. La lecture des 237 pages du projet de loi, sans parler de ses annexes et de ses amendements, suffit, à cet égard à notre édification : la fiscalité française devient de plus en plus clientéliste, corporatiste et cloisonnée.

Si l'on raisonne dans le cadre de l'universalité budgétaire on doit hélas indiquer par exemple que l'Armée française, au lendemain de son succès technique en Libye reste le parent pauvre de l'effort budgétaire général et de la préoccupation des politiques. Le débat Aubry-Hollande du 12 octobre venant après les autres l'a parfaitement illustré en effet. Les fonctions régaliennes de l'État, celles qui ressortissent par excellence du rôle du président paraissent totalement secondaires aux yeux des apprentis candidats. Quand un Manuel Valls ose évoquer les questions de sécurité on l'accuse d'être entouré de "400 fascistes" (?!).

Voici donc ce que déclare le responsable de la Délégation générale de l'Armement : "Nous prenons dès maintenant les précautions qui nous permettront de payer les entreprises les plus fragiles pendant la période de recouvrement allant de la fin de l’année au début de l’exécution budgétaire de 2012. C’est une dégradation par rapport au report de charges de la fin de 2010 qui était de 800 millions d’euros. Ce report pourrait toutefois être réduit à 1 milliard si nous disposons des ressources extrabudgétaires tirées de la vente des fréquences."  (4)⇓

Oui le lecteur a bien lu : l'État en est à"payer les entreprises les plus fragiles"... Mais dira-t-on, puisque l'on veut ignorer l'universalité du budget... il s'agit seulement de la trésorerie d'un ministère... et le même délégué général de l'armement de révéler qu'en Libye, "cette opération fait aussi apparaître quelques insuffisances. Elles étaient prévisibles, dans la mesure où elles correspondent à des opérations différées en raison d’arbitrages budgétaires."

Reste donc à l'armée à vendre très vite ses fréquences radios et à en encaisser le produit si elle désire faire face aux besoins élémentaires de sa trésorerie. Le budget 2012 ne la gâte pas. À l'heure où ces lignes sont écrites l'avis de la Commission de la défense sur le projet de loi de finances n'est pas encore publié, mais il suffira de noter que les crédits militaires sont encore en recul : les autorisations d'engagements de la loi de finances passent de 41,97 milliards en 2011 à 40,24 en 2012. Un tel recul, ce nouveau rabot de 4 %, représente la plus forte décrue budgétaire de l'exercice, en particulier dans les postes "équipements des forces" et "soutien de la politique de défense" qui perdent respectivement 1,3 et 0,9 milliards. En comparaison on remarquera que la charge de la dette passe au contraire de 45,4 à 48,8 milliards.

Cet exemple nous semble illustrer le parallèle frappant entre les gaspillages accumulés, que représentent le déficit et l'endettement, et leurs conséquences qui se traduisent par le déclin des fonctions régaliennes.

C'est cela que le parti socialiste de Mme Aubry et, de façon effectivement plus floue, M. Hollande semble bien décidé à aggraver.

Or, c'est cela qu'il faut combattre. (5)⇓

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. Le projet de loi de finances pour 2012 a été déposé le 28 septembre à l'Assemblée nationale par Valérie Pécresse ministre du Budget On le dit proche de l'UMP.⇑
2. Les guerres de Napoléon, comme celles de Louis XIV avaient ruiné le pays dès que le pillage des territoires occupés eut cessé de les financer. La guerre de 1914 s'étant déroulée sur le territoire de la République celle-ci imagina, après coup, que l'Allemagne vaincue payerait.⇑
3. Cet article avait été conçu comme une sorte de "règle d'or" pour empêcher que les parlementaires supposés démagogues instituent de nouvelles dépenses sans prévoir de nouvelles recettes.⇑
4. Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, à l'Assemblée Nationale par la Commission de la défense nationale et des forces armées le 5 octobre 2011. ⇑
5. Le titre de ce livre bleu "Pour une libération fiscale" en fera, notamment, une réponse au livre rouge de l'équipe de gauche dirigée par Thomas Piketty "Pour une révolution fiscale". Il soulignera les voies de réformes possibles de l'archaïque fiscalité française, en fonction des réductions nécessaires de la dépense publique. Ce livre de 190 pages environ paraîtra fin janvier 2012, pour tenir compte de la loi de finances et de la loi de sécurité sociale qui auront été promulguées le 31 décembre 2011. Son prix de vente sera de 20 euros. On peut y souscrire dès maintenant au prix de 15 euros, port compris.
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Socialisme équivaut à fiscalisme

Dans un entretien publié par Le Figaro le 7 octobre, à la veille du premier tour des primaires du parti socialiste et des radicaux de gauche, M. Dominique Reynié (1)⇓ note, parmi beaucoup d'autres leçons de cette opération que : "Au cours des trois débats, pas une seule mesure de réduction de la dépense publique n'a été proposée ! Les candidats ne sont pas parvenus à s'émanciper de leur clientèle électorale historique que constituent les membres de la fonction publique. Au contraire, on a entendu des promesses de création de postes et de valorisation des rémunérations. Pourtant, les candidats savent bien que pour gagner en 2012, les socialistes devront montrer qu'ils sont déterminés à rétablir l'équilibre budgétaire, ce qui est impossible sans réduction de la dépense publique. Du coup, on a beaucoup entendu parler d'impôt…"

Ce 10 octobre, au lendemain même du vote Xavier Bertrand (2)⇓ soulignait quant à lui exactement le contraire, considérant que ce parti serait "très divisé". En effet il insiste sur la fracture portant à la fois sur des questions de personnes, sur les méthodes plus ou moins propres cristallisées autour de l'affaire Guérini dans la fédération des Bouches-du-Rhône, mais également selon lui les oppositions internes seraient sous-tendue par des visions très différentes de l'avenir de la gauche.

L'un et l'autre de ces deux commentateurs agréés, l'un politologue de qualité, l'autre ministre du Travail dans l'actuel gouvernement, soulignent des aspects différents de la même situation. Ni l'un ni l'autre ne manque de pertinence. Le premier intervenant la veille le second au lendemain de ce premier tour, leurs points de vue respectifs se révèlent en partie différents. De plus le scrutin était ouvert à toutes les gauches. Ceci explique peut-être en partie le surcroît de votants en faveur de Montebourg, mais personne n'ose trop le dire, surtout pas dans les rangs des principaux intéressés

Dominique Reynié, quant à lui, va peut-être un peu loin, quand même, dans la conclusion de son entretien (3)⇓ . Car il considère que "les électeurs de gauche vont choisir un candidat qui, s'il est élu, mènera une politique de centre droit."

Cntre droit, dites-vous ? Mais alors les mots perdent singulièrement de leur valeur. Si la politique de "centre droit" s'est incarnée pendant le septennat de Giscard d'Estaing, avec Chirac premier ministre, puis Barre, et autre Fourcade aux Finances, qui sont brillamment parvenus à augmenter de 7 points en 7 années le taux des prélèvements obligatoires, on peut en effet redouter le retour à de tels errements.

Tout se passe comme si la gauche et une partie de la droite s'accordaient sur l'idée que le courage politique consisterait aujourd'hui à augmenter les taux d'imposition. Les uns le disent ouvertement : tel est le sens de la réflexion de M. Reynié "on a beaucoup entendu parler d'impôt…". Ceci ne plaît à personne, sauf sans doute aux petits coupeurs de tête [virtuels] de l'équipe Piketty. Eux, au moins ont le courage de se proclamer en faveur d'une Révolution fiscale (4)⇓ . Il ne s'agit même pas d'inconscience de leur point de vue, il s'agit de la formulation même du programme fiscaliste que déclinent, avec des nuances à peine sensibles sur ce point, les divers courants du PS, – mais aussi les gens du Front de gauche que l'on imagine très bien avoir renforcé les votants de Montebourg, – mais aussi les sectateurs de Cécile Duflot et Éva Joly.

Simplement le fond du problème français se trouve dans le fait que si la gauche parle de redistribution par l'impôt, si elle théorise l'intervention de l'État, si elle bombe le torse pour se revendiquer [à contre-emploi] d'une économie sans le pouvoir des banques, – ce qui supposerait soit dit entre parenthèses une réhabilitation de l'épargne, de l'autofinancement, de l'investissement de proximité et de la libre entreprise, ce que les gens du PS semblent voués à ignorer – une certaine droite, quant à elle, augmente la fiscalité sans trop le dire, et même en promettant le contraire.

Il convient donc certainement de sortir de ce discours mensonger et illusoire dans lequel se roule la classe politique comme un cochon dans son auge.

Mais il faut également s'employer à montrer qu'une autre voie est possible, et souhaitable pour le pays, celle que nous appelons libération fiscale.

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. Professeur des universités à Sciences Po, Dominique Reynié est directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol). On le dit proche de l'UMP.⇑
2. Sur RTL à 7 h 50 repris par AFP à 9 h 57 rapidement mis en ligne sur le site du Figaro."⇑
3. publié par Le Figaro du 7. ⇑
4. Le titre de ce livre bleu "Pour une libération fiscale" en fera, notamment, une réponse au livre rouge de l'équipe de gauche dirigée par Thomas Piketty "Pour une révolution fiscale". Il soulignera les voies de réformes possibles de l'archaïque fiscalité française, en fonction des réductions nécessaires de la dépense publique. Ce livre de 190 pages environ paraîtra fin janvier 2012, pour tenir compte de la loi de finances et de la loi de sécurité sociale qui auront été promulguées le 31 décembre 2011. Son prix de vente sera de 20 euros. On peut y souscrire dès maintenant au prix de 15 euros, port compris.
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Un consensus fiscaliste de plus en plus préoccupant

La présentation médiatique du projet de loi de finances 2012 a donc été schématisée le 28 septembre. (1)⇓ Plusieurs points faibles en émergent d'emblée. L'exercice constitutionnel ne laissera malheureusement aux deux chambres qu'une faible marge de correction et seulement un espace de débats. On ne peut même pas le comparer à ceux du Tribunat bonapartiste inventé jadis par la constitution consulaire. À partir de 1799 la dictature républicaine avait accordé un espace aux seules joutes oratoires, qui permit à l'époque d'intéressantes confrontations d'idées. Depuis 1958 en revanche non seulement l'invasion des énarques a singulièrement réduit les questions à leur dimension administrative. Mais, de plus, la formalité des ordres du jour est devenue largement artificielle puisque l'opinion publique n'en reçoit plus que de rares bribes minuscules et caricaturales. Les journaux télévisés n'y accordent évidemment aucune importance.

Les passes d'armes au sein des deux assemblées ne changeront donc en fait pas grand-chose. L'une d'elle vient, paraît-il, de "basculer dans l'opposition" du fait d'un scrutin intervenu le 25 septembre : cela nous ramène à un cas de figure manifesté pendant 31 ans sur les 53 qu'a duré cette cinquième république plus minable encore qu'interminable. Les journalistes post soixante huitards qui nous désinforment ont oublié jusqu'au nom de Gaston Monnerville, sénateur radical-socialiste du Lot. Cet estimable Français d'Outremer, alors président du Sénat, n'avait-il pas qualifié en 1962 de "forfaiture" la pratique référendaire de "l'illustre général De Gaulle" assisté par son Premier ministre Pompidou ? (2)⇓

Autres temps autres mœurs.

Une grise procédure aboutira dès lors, inéluctablement, à faire voter et à promulguer au plus tard le 31 décembre 2011 les deux lois financières desquelles on légalisera le budget de l'État pour l'année 2012 et le faux équilibre des prétendus comptes de ce qu'on appelle la sécurité sociale.

Mais un peu d'attention permettra au libre chroniqueur d'observer l'attitude des diverses forces politiques face à ce long pensum dont le Palais Bourbon et le Palais du Luxembourg abriteront l'examen.

Dès aujourd'hui on peut remarquer le caractère fallacieux de pas mal de suppositions, en matière de recettes et de dépenses.

On peut certes approuver ici certains efforts annoncés, notamment dans les crédits alloués à la justice, parent pauvre des fonctions régaliennes, en hausse de 11 %.

Mais comment croire, pour ne citer qu'un exemple, que le poids des "engagements financiers de l'État" se verra ramené à 1,15 milliard en diminution de 25,68 % par rapport à 2011 ?

Comment accepter, alors que les dangers se multiplient, que l'on diminue de 4 % les dépenses militaires alors qu'un pays aussi pacifique que la Suisse vote leur augmentation ?

Comment ne pas remarquer une fois de plus que toutes les prévisions de recettes se fondent sur des prévisions de croissance parfaitement irréalistes ?

Notons que l'agence France-Trésor prévoit d'émettre au cours de l'année à venir 179 milliards d'euros de titres d'emprunt, à comparer avec le déficit annoncé, déjà énorme, de 84 milliards. Ceci intervient alors que la différence de coût des intérêts supportés respectivement par l'Allemagne et par la France se creuse de manière significative ?

Le plan Juppé de 1996, appuyé sur une réforme constitutionnelle, avait annoncé un "amortissement de la dette sociale". Son échec total a conduit au contraire à une explosion de celle-ci à hauteur de 189 milliards qui s'ajoutent bien évidemment au passif de l'État central parisien. La dette officielle des administrations publiques s'élevait ainsi à 1 693 milliards. [Or cette somme n'est guère éloignée de la dette italienne alors que le système transalpin tient compte des retraites.] Ceci porte le ratio à 86,2 d'endettement de l'Hexagone évalué à la fin du 1er semestre, en hausse de 1,7 par trimestre. Rappelons qu'à l'époque du gouvernement Jospin sous la présidence Chirac, assurément immobiliste, calamiteux et démagogique, ce taux se situait encore à 59 %.

On doit regretter d'avoir à dire par conséquent que ce qui tient lieu de droite et de ce qui fait office de gauche se conjuguent à construire un désastre intérieur qu'aucune opération extérieure ne peut excuser.

Mais on doit encore plus se préoccuper de la convergence pathétique des programmes, tous fiscalistes, esquissés par les grands partis institutionnels, lamentablement relayés sur ce point par les imprécations qui se veulent non conformistes. Nous pensons notamment, mais non exclusivement, au discours d'un Mélenchon.

La voie des augmentations de taux d'impositions, annoncées par le gouvernement Fillon le 23 août, aggravée par les discours de la gauche, est hélas présentée aux Français comme la seule susceptible de redresser les Finances. C'est bien ce type d'errements qu'il s'agit de corriger.

Que penser par exemple de la doctrine et de l'influence de M. Henri Guaino conseiller spécial du président de la République, qui annonçait si péremptoirement le 8 septembre : "les baisses d'impôts, c'est fini" ! (3)⇓

C'est pourquoi il me semble grand temps de proposer une alternative crédible au fiscalisme. C'est à cela que je m'attacherai de plus en plus dans cette libre chronique, tout au long du débat budgétaire, et en esquissant des propositions crédibles et indispensables dans un livre à paraître fin janvier et quel je vous propose de souscrire. (4)⇓

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. À noter un "visuel interactif" assez bien fait [dès lors qu'on en comprend le fonctionnement] sur le site du Monde.fr le 2, en vue d'une première approche, réalisé le 28 septembre.⇑
2. Le 29 septembre 1962 à Vichy, Gaston Monnerville expliquait en quoi le chef de l'État violait la Constitution. Il ajoutait : "Si le Chef de l’État a décidé en connaissance de cause, je me permets de l’affirmer, de la violer, le Premier Ministre n’avait qu’à ne pas signer, il n’avait qu’à ne pas dire oui au référendum, et le référendum donc n’aurait pas été possible (...) Laissez-moi vous dire que la motion de censure m’apparaît comme la réplique directe, légale, constitutionnelle, à ce que j’appelle une forfaiture."⇑
3. cf son entretien publié par Le Monde du 9 septembre. ⇑
4. Le titre de ce livre bleu "Pour une libération fiscale" en fera, notamment, une réponse au livre rouge de l'équipe de gauche dirigée par Thomas Piketty "Pour une révolution fiscale". Il soulignera les voies de réformes possibles de l'archaïque fiscalité française, en fonction des réductions nécessaires de la dépense publique. Ce livre de 190 pages environ paraîtra fin janvier 2012, pour tenir compte de la loi de finances et de la loi de sécurité sociale qui auront été promulguées le 31 décembre 2011. Son prix de vente sera de 20 euros. On peut y souscrire dès maintenant au prix de 15 euros, port compris.
   ••• Les lecteurs de L'Insolent peuvent souscrire :
   - par carte bancaire sur la page catalogue des Éditions du Trident
   - ou remplir un bon de souscription afin de nous commander par poste et nous régler par chèque (libellé en euros et compensable en France, port gratuit pour toutes destinations, pour un envoi recommandé ajouter la somme de 5 euros), et nous l'adresser, exclusivement par correspondance à Éditions du Trident 39, rue du Cherche-Midi 75006 Paris -- Tel : (+33)   06 72 87 31 59 Fax :  (+33)1 47 63 32 04 ⇑

Je signe la pétition de SOS éducation

En ce jour de grève des enseignants, et contrairement à mes habitudes "distanciées", je voudrais inviter mes lecteurs à se mobiliser sur un point très précis et très simple. Je les invite à regarder une remarquable petite vidéo réalisée par l'association SOS éducation (1)⇓ , à en faire circuler le lien et s'ils en sont d'accord à signer une pétition. Ces gestes et  appel ne sont motivés par aucune proximité électorale, ni même par la grève lamentable de ce 27 septembre, ni encore par une exaspération légitime de parent d'élève, mais par une vraie préoccupation civique.

Voici donc le texte de la pétition :

Monsieur le Ministre de l’Éducation,

Depuis trente ans, le budget de l’Éducation nationale a connu plus de 85% d’augmentation alors que nos établissements accueillent 600 000 élèves de moins.

Tous les rapports et classements montrent que l’échec de notre système scolaire s’accentue depuis quinze ans :

* - 2 élèves sur 5 sortent du primaire sans savoir lire, écrire et compter correctement ;

* - Nous ne formons plus suffisamment d’ingénieurs, de médecins et d’artisans compétents ;

* - Nos universités régressent et mettent en place des cours d’orthographe et de grammaire.

Aussi, je vous demande solennellement de ne pas céder à la pression des syndicats et de prendre les vraies mesures qui permettraient enfin de redresser notre système scolaire :

* Permettre à tous les enfants d’apprendre à lire, à écrire et à compter à l’école avec des méthodes rigoureuses et éprouvées ;

* Supprimer le collège unique ;

* Restaurer un vrai baccalauréat ;

* Garantir un enseignement professionnel de qualité.

Si vous ne le décidez pas aujourd’hui, Monsieur le Ministre, personne d’autre ne pourra le faire. Notre pays a besoin de solutions concrètes, efficaces et pragmatiques pour l’éducation.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre de l’Éducation, à l’expression de ma haute considération.

Copie au Président de la République, Monsieur Nicolas Sarkozy

au Premier ministre, Monsieur François Fillon

au Parlement, au Président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer et au Président du Sénat, qui sera nommé le 6 octobre. (2)⇓

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. SOS Education. 120, boulevard Raspail, 75006 Paris Téléphone  : 01 45 81 22 67 - Fax : 01 45 89 67 17 [email protected] ⇑
2. Voici le lien de la vidéo : http://www.soseducation.com/greve27septembre/ Cette page vous permettra d'accéder à celui de la pétition et de la signer ⇑

La figure gauloise fondatrice

Le fondateur de la cinquième république le disait, pour une fois à juste titre : "la France vient du fond des âges". En notre temps de grande inquiétude face à la mondialisation et de pertes des repères, aucune nation ne doit laisser en friche la connaissance de son identité primordiale. Sans elle, on ne peut même pas concevoir qu'elle projette de bâtir une union durable avec les peuples les plus proches.

On doit déplorer dès lors que les idéologues actuellement dominants aient cherché à gommer de la Mémoire ce que nous appelons la Gaule. Celle-ci résultait de l'addition des siècles. Antérieure aux conquêtes successives du territoire actuel de la France, elle avait produit des faits de civilisation nullement négligeables. Sur le plan de nombreuses techniques on peut même créditer les Gaulois d'une avance matérielle sur leurs conquérants du Ier siècle. (1)⇓

Au-delà d'une Gaule de carton pâte et de bandes dessinées le message de Vercingétorix comme figure fondatrice, nous parle donc d'abord de la noblesse de telles racines.

Or sous l'influence des partis pris et des conformismes laudateurs successifs, la diversité des auteurs, et des points de vue parfois légitimes, fait en effet commencer l'identité française aux dates les plus extravagantes.

Même un Bainville tient à faire commencer sa fameuse "Histoire de France", tant prisée dans les cercles nationalistes, par un déconcertant premier chapitre qu'il intitule  : "Pendant 500 ans la Gaule partage la vie de Rome". (2)⇓ Apologie univoque du conquérant latin cette introduction paradoxale se fonde sur l'idée, à laquelle j'ai beaucoup de mal à croire, que la patrie résulterait essentiellement de l'action de l'État. Le mouvement maurrassien résumera cette doctrine dans la formule "les rois ont fait la France elle se défait sans roi".

On trouvera cependant plus grave, pour ne pas dire loufoque.

En septembre 1995, ainsi, un Chirac célébrait en Sorbonne le 50e anniversaire des ordonnances de sécurité sociale. Le lamentable président trouva le moyen de ramener la patrie à la dimension de ces textes sous prétexte que le général De Gaulle les avaient signés.

Quelques années auparavant le même personnage se trouvait confronté au cours d'un débat télévisé qui fit quelque bruit à Laurent Fabius, alors Premier ministre.

On entendit ce soir-là cette virile proposition du maire de Paris de l'époque, fondateur du RPR : "Ces étrangers il faut les expulser immédiatement et les remettre à la police de leurs pays d'origine." (3)⇓

Au cours de l'entretien le futur chef de l'État laissa affirmer par son interlocuteur, que "la France s'était créée en 1789 sur les principes de liberté, d'égalité et de fraternité". Cette énorme contre-vérité assénée sous la forme d'une approximation hélas banale ne reçut ni ce soir-là, ni par la suite aucune rectification.

Tout au long de l'Histoire d'ailleurs, au gré des régimes successifs, on assigna au royaume des Lys des actes de naissances, et donc des dates, artificielles mais conformes aux discours et aux intérêts de l'idéologie du moment.

Une certaine idée de la Monarchie la fit ainsi commencer en 496, date supposée du baptême de Clovis, d'où sortirait le Regnum Francorum. Rappelons tout de même que la configuration territoriale de cet empire franc ne ressemble guère à l'idée que nous nous faisons aujourd'hui de l'Hexagone. De plus, quoique "sacrale", la royauté mérovingienne se pense comme un patrimoine qu'on partage au gré des successions, qu'on déchire entre frères. Il ne s'agit guère encore d'une institution nationale.

D'autres ont pu considérer comme plus proche de la réalité l'époque où la Francie occidentale se sépara de la Lotharingie et du royaume de Germanie, par l'effet du traité de Verdun de 843.

On notera que le IXe siècle vit surtout naître, du fait de la faiblesse des ressources financières tout au long du règne de Charles le Chauve, entre 843 et 877, le démembrement féodal de l'État. À vrai dire la fantaisie de la référence carolingienne, si puissante dans la littérature chevalesresque, doit être considérée comme représentative par son étrangeté même. L'empereur à la Barbe Fleurie appartenait beaucoup plus légitimement, par la géographie comme par la linguistique, à l'Allemagne éternelle qu'à la France en gestation. Et sa capitale Aix-la-Chapelle pourrait certes convenir à une symbolique européenne.

Les fidèles de la Troisième Race privilégiaient de leur côté l'élection d’Hugues Capet en 987. On ne perdra pas de vue que cet événement s'est réalisé, comme les deux fondations dynastiques précédentes, grâce à l'appui des évêques.

De la sorte, bien avant les folies destructrices du jacobinisme, selon les époques, selon les partis, selon les traditions, selon les classes sociales, on jugera et on a jugé plus convenable de se référer à telle ou telle personnalité.

Sur toutes cependant, la figure de Vercingétorix s'impose pour la première. Si malheureuse pourtant, comme d'ailleurs celle de Jeanne d'Arc quinze siècles plus tard, elle ne doit pas seulement être créditée de l'antériorité.

Son mérite consiste à la fois dans la marque identitaire gauloise, et arverne, certes, mais bien plus encore dans la volonté de combattre, dans ce que Camille Jullian appelle le "complot national". 

Avant celle de Charles Martel, son image représente le projet farouche et indomptable de lutter contre l'envahisseur. Au moment où certains, au sein du parti majoritaire, rêvent d'imposer un serment patriotique, peut-être serait-il bon de replacer cette idée d'allégeance formelle dans sa perspective concrète de toujours.

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. Ceci a été mis en lumière par divers livres de Régine Pernoud. ⇑
2. Ce livre date de 1924. L'édition en Livre de Poche Historique, que j'utilise encore, mille fois annotée, et qui part en lambeaux, été imprimée en 1956. Le chapitre cité figure aux pages 9 à 18. ⇑
3. Débat sur "arbitré par Anne Sinclair et Pierre-Luc Séguillon" le 27 octobre 1985⇑

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Si cette chronique vous a intéressé…
… le livre de Camille Jullian : "Vercingétorix" vous intéressera certainement aussi.

De cette figure de l’Histoire de la Gaule, on a voulu faire un mythe, celui d’une sorte de première résistance à l’envahisseur. Après la conquête, de Jules César à vrai dire le monde gaulois s’intégra parfaitement à l’Empire et à la civilisation de Rome.

Spécialiste incontesté des Antiquités nationales, l’auteur rétablit les faits dans leur contexte et leur vérité. Jusque-là, sous l’Ancien Régime et à l’époque des Lumières, on avait jugé de peu d’importance ce prince antérieur à Clovis. Seuls les grands historiens du XIXe siècle Amédée Thierry (1828) et Henri Martin (1837) avaient osé réhabiliter ce héros malheureux.

Le jeune roi des Arvernes entreprend en 52 de rassembler les peuples de notre pays. Il parviendra à faire face à l’un des plus grands chefs militaires de tous les temps.

Il rencontrera les divisions des tribus gauloises, et, en cela, son aventure préfigure bien des difficultés auxquelles la France reste confrontée.

Le livre rappelle opportunément combien les Gaulois étaient déjà porteurs des germes de la civilisation française.

••• Ce livre de 293 pages au prix de 25 euros port compris peut être commandé par correspondance aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris tel 06 72 87 31 59 ou en ligne sur la page catalogue des Éditions du Trident.

Impunité du stalinisme comme d'habitude

Cette année les flonflons de la fête de L'Huma nous auront au moins appris quelque chose. Une réalité pas très nouvelle, certes. On pourrait la mettre en parallèle avec un événement beaucoup plus modeste. Car c'est lui j'aurais la faiblesse de placer en première perspective, avant les grands discours et les petites phrases des dirigeants des partis de gauche en quête de voix.

En effet ce 18 septembre, en la pagode de Créteil, une émouvante cérémonie bouddhique était organisée en souvenir de Vann Nath. À 66 ans, ce témoin central du procès des Khmers rouges s’est éteint le 5 septembre, dans une clinique de Phnom Penh.

"Son âme s’est envolée avec la bénédiction d’une pluie de mousson" note Mme Anne-Laure Porée seule journaliste à "couvrir" ce qui devait être le Nuremberg du communisme et qui se déroule dans l'indifférence générale. (1)⇓ La gestion de tout cela par ce qu'on appelle "la communauté internationale" ne saurait nous "décevoir", puisque nous savons ne plus rien en attendre. Elle ne nous "surprend" donc, littéralement, même plus.

Que les choses à ce sujet soient dites nettement.

En juillet trois chroniques de L'Insolent ont été consacrées à cette question  (2)⇓.

Il se trouve que je ne gère pas les commentaires de leurs versions vocales installées sur le site de Lumière 101. Mais je les lis et l'un d'eux m'a laissé perplexe. Il y est question de pardon au nom de l'Évangile.

Or, précisément, si l'Évangile nous recommande de pardonner à celui qui nous en fait la demande, ni les khmers rouges, ni ceux qui les ont soutenus n'ont jamais reconnu ni leurs crimes ni leurs mensonges propagandistes (3)⇓. Au contraire ils s'emploient, depuis plus de 30 ans, à brouiller les pistes.

Tout cela fait donc parfaitement l'affaire des anciens communistes cambodgiens qui gouvernent aujourd'hui le pays derrière le premier ministre Han Sun, lui même imposé par les Vietnamiens.

Osons dire que tout cela a été programmé sciemment.

Cette imposture dure depuis qu'en 1979, les staliniens prosoviétiques du Vietnam sont parvenus à liquider l'appareil plus ou moins gauchiste et prochinois qui s'était emparé du pouvoir. Produit et bénéficiaire lui-même de cette opération le chef inamovible de ce gouvernement capte les soutiens, les complaisances et les subsides occidentaux. Cela lui permet de saboter méthodiquement tout ce qui pourrait faire apparaître la vérité sur les crimes du régime abominable de Pol Pot, fondés sur une application fanatique des équations marxistes apprises auprès du parti communiste français.

Un premier procès visait, indépendamment des chefs, le seul tortionnaire Duch et son centre S21. Vann Nath principal témoin à charge fut entendu lors d'une audience unique. Il n'aura même pas pu entendre la sentence de son bourreau. Quant au second procès, celui des dirigeants, ouvert le 27 juin, il se déroule depuis mollement dans un silence mondiale. Les Khieu Sampan, Ieng Sary et consorts y ergotent sur des règles de droit et de procédure qui finissent par se retourner en leur faveur, puisque l'on a attendu plus de 30 ans pour les juger.

On éprouve presque l'envie de dire "comme d'habitude".

Alors pourquoi faire un parallèle avec ce qui s'est déroulé à l'opposé de la région parisienne, dans le parc de La Courneuve.

D'abord parce que la fête du quotidien communiste avait abrité en leur temps les stands des camarades Khmers rouges, jusqu'à leur rupture de 1977 avec Hanoï, provoquée par un antagonisme territorial entre deux dictatures sœurs.

Personne n'a demandé sur place aux dirigeants du PCF ce que leur suggérait cette question. Comme d'habitude.

Les protestations de la droite brillent par leur évanescence. Tellement plus important en effet de se préoccuper de sauver les banques. Comme d'habitude.

Les intellectuels de gauche ou ce qu'il en reste, fonctionnaires de la Ville de Paris, bureaucrates de l'Inculture ou inspecteurs d'Académie ont montré une fois de plus combien leurs indignations restaient hémiplégiques, frappant toujours d'un seul côté. Comme d'habitude.

Mais cette année, il fallait se montrer à La Courneuve en vue d'obtenir les résidus des gens qui avaient voté Marie-Jo Buffet. en 2012, cela pesait encore un bon 2 % de l'électorat. On dit leur blason en voie d'être redoré grâce à une alouette qui, mélenchonnée dans le cheval, est supposée produire un pâté plus consommable. Seul l'emballage change. Comme d'habitude.

On a vu s'affirmer les convergences. Comme d'habitude. Et même plus que d'habitude.

On a donc appris ce que l'on soupçonnait déjà : Arnaud Montebourg, venu en fin d'après-midi le 17, "est particulièrement le bienvenu", déclare le camarade  Mélenchon. Et l'intéressé répond, en pointant le livre  programme du Front de gauche. "Il y a des choses ici qui devraient être dans le programme socialiste, Nous nous battons pour les mêmes choses, moi depuis l'intérieur, lui depuis l'extérieur." (4)⇓

Si Mme Aubry n'a jamais fait mystère de son désir indéfectible d'alliance "avec toute la gauche", y compris les communistes, on ne s'étonne pas qu'elle se soit rendue à La Courneuve.

Comme d'habitude. Mme Royal, en perte de vitesse, n'hésite pas elle aussi à renouer avec la vieille connivence.

C'est bien connu : "La Fête de L'Huma tout le monde y va, sauf les candidats au goulag".

Même l'exilé le plus aimé des Français Yannick Noah a prouvé qu'il peut se rendre en Seine-Saint-Denis pour une cause fiscalement juste.

Ceux qui douteraient encore de la philosophie véritable de la camarade Duflot ne doivent plus voir en elle une écologiste mais une petite bolchotte aussi inguérissable qu'intarissable. Et de se congratuler avec le secrétaire général du parti, l'apparatchik héréditaire Laurent fils de Laurent. Dans un roman russe on l'appellerait Lavrenti Lavrentovitch, ou bien Piotr Pavlovicth. Mais il ne s'agit pas de littérature slave, il s'agit de la bonne  vieille filiation jacobine franco-française, de cette tambouille politicienne qui veut nous faire oublier les crimes de ses alliés, et les interminables errements de ses combinaisons putrides. Comme d'habitude.

La réaction de dégoût, qu'inspirent à notre peuple, aussi bien ces spectacles, que la réapparition télévisuelle du sauveur supposé de la finance internationale (5)⇓, pourrait seule donner quelque espoir d'un redressement possible.

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. Anne-Laure Porée tient une chronique du Procès des Khmers rouges.⇑
2. cf. L'Insolent du 18 juillet "Les Khmers rouges comme gentils libérateurs" [et sa version vocale] ; du 19 juillet "Les connivences parisiennes des Khmers rouges" [et sa version vocale] et du 20 juillet "Soudain le 5 septembre 1977" [et sa version vocale].⇑
3. cf. l'article d'Anne-Laure Porée du 13 février 2009 pulié en Suisse"Les Khmers rouges n’ont jamais reconnu leurs fautes" ⇑
4. Cf. Le Point.fr du 17/09/2011 à 20:41.⇑
5. À ce sujet il me plaît de reproduire ici le communiqué de Jacques Myard en date du 18 Septembre 2011 : "L'apparition de DSK au JT de TF1 de 20 H ce jour est parfaitement grotesque. Ce monde médiatique exploite sans vergogne le voyeurisme et le scandale à des fins d'audience, cet entretien n'a aucun intérêt pour la révélation de la vérité. Il serait souhaitable que les Français se détournent de ce cirque à grand spectacle." Mission accomplie.⇑

Vous pouvez entendre l'enregistrement de nos chroniques
sur le site de Lumière 101

Si cette chronique vous a intéressé…
… le livre de Jules Monnerot "Sociologie du communisme" vous intéressera certainement aussi. Il répond aux idées fausses du "socialisme scientifique". Rédigé en 1948 au lendemain du "coup de Prague" il fut probablement l'un des seuls à démontrer "scientifiquement" alors que la menace communiste peut et doit être vaincue. Partant de l'idée que l'entreprise de Lénine représente "l'islam du XXe siècle", il en démonte la fausse "Dialectique" et analyse comment cette nouvelle religion séculière aboutit nécessairement à une lutte implacable pour "l'Imperium mundi". Or cette lutte est loin d'être finie… Les trois volumes ("L'islam du XXe siècle", "Dialectique" et "Imperium mundi") au prix 20 euros chacun soit 60 euros l'ensemble port compris peuvent être commandés séparément
- par chèque à adresser par correspondance aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris tel 06 72 87 31 59
-ou par internet sur la page catalogue des Éditions du Trident.

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Aubry contre Hollande

Au nom de l'UMP, Mme Valérie Rosso-Debord, députée de Meurthe-et-Moselle s'exprimait ce 15 septembre en réponse au premier débat entre candidats aux primaires du parti socialiste (1)⇓ . Eh bien je me demande si cette dirigeante et si ses compagnons au sein du parti actuellement majoritaire ne se trompent pas de polémique, et surtout de ton, lorsqu'ils adoptent celui de la seule raillerie à propos de la gestion des fractures au sein de la gauche.

Se contenter de fustiger "une Aubry crispée par l'enjeu qui nous joue 1997 le retour" ne suffit pas. Reprocher à Hollande d'apparaître "sur la défensive" car se plaçant dans "l'après-primaire", voila qui revient précisément à ignorer le danger et à sous-estimer son adversaire.

Qu'on me permette simplement de renvoyer ici Mme Rosso-Debord à un dossier qu'elle connaît bien. Depuis 2011 elle fait office de déléguée générale adjointe de son parti, chargée du projet de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Éprouve-t-elle le sentiment que, sur cette question fort grave, et sur le slogan ruineux et ingérable de cette cinquième branche en gestation de la protection sociale, la droite tienne actuellement un discours cohérent et non démagogique ? Peut-on la dire unie sur ce point qui concerne des millions de Français ? Que dire à ce sujet des promesses faites et de leur impossible financement ?

Les socialistes se trouvent dans une position analogue et ils ont accepté le pari dangereux, certes, de se confronter devant l'opinion, laissant le soin d'arbitrer entre eux quiconque payera un euro et se dira de gauche au mois d'octobre.

À mon grand regret je constate en effet que ceux qui, depuis les législatives de 1967 ne savent se définir collectivement que comme "la majorité" (2)⇓ seraient probablement dans l'incapacité de produire ne serait-ce que la phrase résumant l'adhésion aux valeurs de gauche que signeront les participants des primaires.

L'expérience que tente actuellement la gauche mérite donc mieux que cette désinvolture et cette outrecuidance.

On pourra certes agréer la critique faite par Christian Estrosi (3)⇓ : celle de l'ennui, bien réel, qui pouvait se dégager de cette confrontation un peu étriquée du premier soir et celle de la comparaison avec les interventions présidentielles. On voudrait d'ailleurs s'assurer que la droite peut faire mieux.

Car, quoique l'on puisse dire, le fossé entre le concept "Hollande" et le concept "Aubry" apparaît de plus en plus clairement

Plaçons-nous sur les quelques points significatifs du débat à fleuret moucheté du 15 septembre : le nucléaire et la dépénalisation de la drogue. Non les socialistes ne disent pas tous la même chose. Ils font certes des promesses dangereuses et des déclarations inconsidérées. On citera celle de Hollande de "faire une loi de programmation qui permettra de récréer des postes sur les cinq ans. On créera les 60 000 à 70 000" (4)⇓ . Mais la championne de l'à peu près et de la fausse improvisation maladroite se situe plutôt dans le camp rival.

Car, de son côté, Mme Aubry ne l'ignore pas. Il ne saurait suffire de disposer des adoubements de son père Jacques Delors, qui vient de multiplier, apparemment à jeun les pétitions de principe du genre "ma fille est la meilleure", pour bénéficier d'une investiture qui se veut républicaine. Son alliance hypothétique, sans doute périmée, avec Strauss-Kahn ne lui confère aucune compétence particulière, non plus, pour gouverner la France après avoir reçu la ville de Lille en héritage de Mauroy.

Il lui faut aujourd'hui combattre le concept d'une alternance socialo-centriste. Celle-ci, toujours promise mais jamais réalisée par Mitterrand, est aujourd'hui représentée avec des nuances par ses principaux rivaux en candidatures au sein de son parti, aussi bien par Manuel Valls que Ségolène Royal, ou même par le radical de gauche Baylet, et principalement par François Hollande.

Ne cherchons pas à démêler ici quel adversaire la droite, les droites, – quelle "droite" ? – peut, ou peuvent désirer afin de le vouer à l'échec.

Considérons que pour le pays, le moindre mal s'incarne nécessairement dans le moins disant démagogique.

Cela peut s'appliquer à toute circonstance. Certes. Et cela vaut particulièrement aujourd'hui.

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. cf. Lemonde.fr avec AFP le 16.09.11 À 00h10 article "L'UMP raille le "spectacle" du débat de la primaire socialiste".⇑
2. Ceci grâce aux prestations de Michel Bongrand directeur de "Service et méthodes", l'un des premiers "conseils en communication" à l'américaine qui avait assisté le candidat Lecanuet lors de la présidentielle de 1965. ⇑
3. cf. sa déclaration diffusée sur RTL ce 16 septembre à 8h. ⇑
4. faux pas commis à Soissons le 9 septembre. ⇑

Aux bonheurs de la monnaie jacobine

Beaucoup d'hypothèses, toutes floues et hasardeuses, sont agitées ces temps-ci. Toutes tendent à démanteler les belles certitudes monétaires des dernières décennies. Et cela vise, d'ailleurs aussi bien l'euro, que le dollar américain ou le yuan chinois.

Certains aimeraient en cette occasion retrouver les coudées franches. Ils voudraient pouvoir voter des budgets démagogiques en larges déficits. On entend soupirer après le rétablissement de la planche à billets. La gauche ne détient pas le monopole de ce propos. On ne saurait dire, ainsi, que depuis 2002 et la débâcle du gouvernement Jospin, l'endettement du pays ait reculé.

De la sorte, toute la classe politique se trouve impliquée dans la défiance à l'égard des finances publiques.

Faut-il, par conséquent, confier aux hommes de l'État le soin de définir la sortie de crise ?

L'expérience confirme que le retour à ce que l'on appelle la souveraineté monétaire vaut, hélas, ce que vaut le souverain.

Il est vrai que pour pouvoir mesurer les leçons du passé, on ne peut faire l'économie d'une connaissance de l'histoire qui semble s'estomper dans notre pays. Au XIXe siècle, la grande majorité des auteurs et des décideurs gardait le souvenir, et désiraient avant tout ne pas recommencer les erreurs de la catastrophe révolutionnaire. On peut donc utilement les rappeler brièvement ici.

De 1726 à 1789 la France avait connu une remarquable stabilité de sa monnaie. La livre tournois était demeurée constamment égale à une quantité d'argent fin de 4,50 grammes. En 1785, la teneur en or avait seulement été techniquement modifiée pour passer de 0,31 gramme à 0,29, le rapport entre l'or et l'argent ayant toujours oscillé au cours des temps. Ainsi à la veille des événements révolutionnaires, la masse monétaire était évaluée à 2 200 millions en espèces métalliques d'or et d'argent et 80 millions de papier. (1)⇓

Or la crise politique du printemps et de l'été 1789 se traduisit par le pillage des greniers à sel et la destruction des bureaux d'octroi ainsi que des registres du fisc. Parallèlement commençait un mouvement de fuite des capitaux.

En juillet l'inquiétude ne porte encore que sur le déficit et la dette de l'État. Le 13 juillet, veille d'une émeute que l'on célèbre encore, l'Assemblée vote une adresse demandant que l'on rassure les créanciers du Trésor et que l'on interdise même de prononcer un mot synonyme de faillite.

En septembre, cependant, Mirabeau s'exclame : "La banqueroute, la hideuse banqueroute est à nos portes !"

C'est alors, le 10 octobre 1789, que Talleyrand propose à l'Assemblée constituante de nationaliser les biens de l'Église dont la valeur d'ensemble est estimée à 3 milliards de livres, soit environ 10 années de dépenses de l'État.

Le projet qu'il dépose et qui sera adopté, venait certes de loin. Mais il n'a pu éclore qu'en raison des difficultés financières du royaume.

En contrepartie de cet enrichissement, virtuel et à très court terme, évidemment, celui-ci va devoir salarier les ministres du culte, entretenir des écoles, des hôpitaux, des caisses de secours, etc.

Promoteur du plan, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord connaissait son sujet. Ordonné prêtre sans jamais en avoir ni connu la vocation ni supporté les sacrifices, le personnage mondain et licencieux qu'on appelait "l'abbé de Périgord" avait exercé la fonction d'administrateur agent général du clergé de 1780 à 1785. Ce rôle lui avait permis de mesurer le périmètre économique considérable de la réalité ecclésiastique d'alors. Nommé évêque d'Autun en 1788, il avait été sacré en janvier 1789, dans des conditions plutôt scandaleuses. Il confirmera son imposture plus tard en tant que l'un des deux jureurs qui permettront la naissance de l'Église constitutionnelle. (2)⇓

Pour l'heure, député aux États Généraux il allait se révéler le prestidigitateur grâce  au mauvais génie duquel la France allait pouvoir bientôt sombrer, après s'être écartée de ses critères initiaux, dans l'expérience folle des assignats.

Les étapes méritent d'en être signalées.

L'Assemblée constituante, après d'intéressants débats, vote en novembre la confiscation de tout ce qui appartenait aux diocèses, aux abbayes, aux ordres religieux. En août déjà, on avait, par le vote du 4 et la signature du roi le 13, déjà supprimé la dîme. Celle-ci représentait 80 des 150 millions de recettes de l'Église. À défaut de l'indemniser, il fallait donc pourvoir à certaines de ses dépenses. On promet ainsi au clergé un salaire de 1 200 livres par mois.

Au départ, en décembre 1789, on décide de vendre en partie les biens nationaux. Et on commence par les gager à concurrence seulement de 400 millions de livres-billets, les fameux "assignats". Ceux-ci promettent un rendement de 5 %. Avec ce papier on peut certes acquérir des biens réels, supposés moins rentables cependant. Cela semblait correspondre au projet initial, celui du trop habile Talleyrand.

En avril 1790, la situation a changé sur le terrain politique. L'État décrète alors le cours forcé de l'assignat, et on supprime tout simplement l'intérêt de 5 %.

En septembre 1790 Necker démissionne.

Les assignats en circulation sont passés à 1,2 milliard.

En 1792 le plafond atteint 2 milliards.

En février 1793 il passe à 3,1 milliards. Puis, plus de plafond d'émission.

Bien entendu cette inflation de moyens de paiement se traduira par une chute du rapport entre la livre-papier et les espèces de métal : = moins 15 % en 1791, moins 40 % en juillet 1792, moins 64 % en juillet 1793.

En 1796, à la fin du système, quand on détruit la planche à billets il aura été émis au total pour 45 milliards d'assignats, dont 39 restent en circulation, le reste ayant servi aux spéculateurs à acquérir les fameux biens nationaux pour un prix réel moyen dévalué d'autant c'est-à-dire environ pour 5 % de la valeur estimative d'origine puisque la Révolution a multiplié la masse monétaire par 20 en 7 ans. Il faudra attendre encore 7 ans pour que l'ordre monétaire soit rétabli en 1803 : il durera pratiquement tout le XIXe siècle et jusqu'à la guerre de 1914.

Dès 1790 on avait commencé à tonner contre ceux qui se défiaient de la nouvelle monnaie. Mirabeau les dénonce en ces termes : "ne pas croire en l'assignat, c'est en pas croire à la Révolution, c'est un crime". La Terreur mettra cette injonction en pratique.

À la fin, les chansonniers diront : "la monnaie du roi était l'écu, l'assignat de la république un torche-cul".

JG Malliarakis
        

Apostilles

1. En 1776, à l'époque du ministère Turgot était apparue la Caisse d'escompte.⇑
2. En tant que destructeur acharné de l'Europe chrétienne son rôle continuera comme diplomate, notamment lors du recez du Saint Empire, et de sa disparition en 1806, mais aussi lors du retournement de la Sainte Alliance après 1815, etc. ⇑

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sur le site de Lumière 101

Si cette chronique vous a intéressé…
… le livre de Charles Freppel"La Révolution française" vous intéressera certainement aussi. L‘auteur fut l'une des plus intéressantes figures de la droite monarchiste française, avant Maurras. Il est injustement oublié de nos jours.
Constructeur actif, et politique intelligent, cet évêque d'Angers fut à l'origine des universités catholiques. Cet Alsacien saura se faire élire, en pleine IIIe république, député royaliste de Brest.
Adversaire lucide de l'héritage jacobin, il résume dans ce petit livre fort, écrit à l’occasion du Centenaire, toutes les entraves, toutes les idées fausses et toutes les nuisances que les plaies de la Révolution de 1789 ont projetées sur l'avenir de la France.
Il reprend ici un par un tous les faux arguments que nous entendons seriner encore aujourd’hui, y compris par des gens sincères, et qui se disent “patriotes”, et de droite.
→ Lire la Chronique de L'Insolent du 17 juillet 2008 "De la révolution, du 14 juillet, du jacobinisme et de l'horreur qu'ils doivent nous inspirer." Petit hommage à Charles Freppel.

Ce livre de 160 pages au prix de 20 euros port compris peut être commandé par correspondance aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris tel 06 72 87 31 59 ou en ligne sur la page catalogue des Éditions du Trident.

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