Notons d'abord cet abus si regrettable du verbe "avoir". Il ne devrait être utilisé que comme auxiliaire. Or le déclin du langage le fait fonctionner dans le discours politique et médiatique à toutes les sauces,
Par exemple on décline aujourd'hui encore jusqu'à l'absurdité l'expression fautive "avoir des valeurs". Elle ne veut rien dire. Mais elle est entrée dans l'usage en 1986 de manière fracassante, et alors manifestement incorrecte, par l'effraction d'une réclame pour d'excellentes rillettes, supposées méconnues d'un huissier ou de son clerc. (1)⇓
Depuis, tous les politiciens de ce pauvre pays ont copié collé cette expression fautive dans leur pauvre vocabulaire à base de clichés. Réflexe normal, constatera-t-on : ils se rangent eux-mêmes dans les rangs des dépensiers, impécunieux, impuissants mais rouspéteurs.
Au sein de la république elle-même, certes les jeux subtils d'influence ont repris leur cours, au bénéfice des uns, au détriment des autres. Ainsi s'amusera-t-on à la lecture des lignes suivantes, vues de ce qui nous tient lieu de droite (1)⇓ :
"Des frères initiés en poste. Les francs-maçons avaient de dignes frères au sein du gouvernement de François Fillon, plutôt proches de la Grande Loge nationale française, orientée à droite. Celui de Jean-Marc Ayrault ne déroge pas à la règle, avec le retour marqué de l'obédience de gauche du Grand Orient de France. Parmi eux, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, Victorin Lurel, chargé de l'Outre-Mer, Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense, ou Michel Sapin, ministre du Travail. Le directeur de cabinet du Premier ministre, Christophe Chantepy, y a aussi été initié. Quant à l'ancien Grand Maître du Grand Orient Alain Bauer, ami de Valls et ex-conseiller sécurité de Nicolas Sarkozy, il garde de précieux relais dans les sphères du pouvoir, avec Renaud Vedel Place Beauvau et Cédric Lewandovski, directeur de cabinet à la Défense."Mais le rôle de la France elle-même, ne fait que décliner, et la présidence "normale" en alourdit visiblement le processus.
Pour la première fois, en fait... par conséquent, tout en s'accrochant si fort à ce qu'on appelle des "valeurs", ce pays n'exercera aucun pouvoir.
Certes on retrouve encore, de manière anachronique, certains ressortissants, détenteurs d'un passeport de la république jacobine, dans les instances internationales.
Par exemple, un Pascal Lamy, ancien factotum de Jacques Delors, occupe les fonctions de directeur général de l'OMC. Les praticiens de la contrefaçon liés aux réseaux de pouvoirs en Turquie et en Chine ne s'en plaignent guère. Soulignons quand même que les grandes marques françaises figurent au premier rang de leurs victimes
Succédant au sulfureux DSK, une Christine Lagarde l'a sans doute remplacé avantageusement pour l'image de son pays d'origine. Mais aujourd'hui qui croirait qu'elle agit, ou qu'elle s'exprime, en bien comme en mal, pour le compte du gouvernement de Paris ?
Et même l'un des 27 commissaires européens s'appelle Michel Barnier. Vous l'aviez peut-être oublié. Mais ce charmant bellâtre remplace depuis 2010 le glorieux Barrot comme représentant unique de son pays dans l'exécutif bruxellois : moins de 4 % d'influence, grâce aux efforts rédactionnels du traité de Nice, ce que nous devons à MM. Juppé, Chirac et Jospin.
Idem pour l'armée française : certes, avec les moyens de plus en plus chiches qui lui sont alloués, elle remplit les missions découlant des engagements internationaux pris à tort ou à raison par les autorités civiles. Mais précisément, comme on le voit de plus en plus, ces opérations sont conduites en fonction de considérations strictement mondialistes.
Le rapport de force a été entièrement intériorisé, pour une fois, par un article d'Alain Barluet dans Le Figaro (3)⇓ intitulé : "À Rome, Merkel fait la leçon à Hollande sur les réformes".
Monsieur Normal a voulu rompre avec la monotonie de l'entente franco-allemande.
Ses diplomates ont rêvé une sorte de "pacte à quatre" avec l'Espagne et l'Italie. Or l'une comme l'autre manifestent à la fois un besoin concret de la finance germanique et peu de confiance dans l'arrogance et l'impréparation parisiennes.
À imaginer s'affranchir de la principale constante de la politique extérieure depuis 50 ans, le nouveau chef de l'État central parisien s'est peut-être montré naïf. L'action diplomatique, même et surtout sur l'échiquier de la construction européenne, cela ne s'improvise pas. Il a donc réappris, aux dépens de sa recherche d'influence, que rien ne peut se réaliser en Europe sans un accord avec une capitale qui ne se situe plus, depuis 1999, à Bonn mais à Berlin.
Or, voici ce que déclare Mme Merkel, chef de ce gouvernement, mal aimé de tous ceux qui voudraient que nos voisins payent et se taisent.
"Nous devons nous rapprocher d'une union politique dans la zone euro, insistE la chancelière. La leçon de la crise, c'est qu'il ne faut pas moins d'Europe mais plus d'Europe (…) Nous devons créer une structure politique qui va de pair avec notre monnaie unique."
On peut se complaire à disséquer cette phrase. On la jugera éventuellement lourde d'une ambiguïté dirigée contre la Grande Bretagne. En cela on l'estimera d'une certaine manière contraire l'identité géopolitique du continent lui-même. L'union politique ne sera-t-elle proposée qu'aux pays ayant adopté l'euro ? En l'état cela n'écarterait pas seulement les Anglais [et les Écossais] mais aussi les Tchèques, les Polonais, les Suédois etc.
Malheureusement, tout cela correspond, aussi, en fait comme en droit, à la logique du traité de Maastricht rédigé et ratifié il y a 20 ans par les socialistes français.
À l'époque les responsables allemands disaient à leurs brillants homologues parisiens, ès-Delors, ès-Mitterrand, ès-Bérégovoy : "vous rédigez, nous signons".
Aujourd'hui la vache à lait ne se laisse plus traire docilement. Voyez-vous ça : elle prétend même donner son avis. Quel culot tout de même.
JG Malliarakis
Apostilles
- L'officier ministériel, ou son clerc, était supposé méchant sinon stupide. Cela va sans dire. Il entendait donc s'exclamer une dame insolvable mais gourmande : "nous n'avons pas les mêmes valeurs". Aujourd'hui, la marque se glorifie elle-même sur son site de ce qu'elle appelle une "phrase culte". Remarquons au besoin que la petite séquence cinématographique comportait aussi une erreur bien coutumière : les huissiers de justice ne procèdent en général qu'aux "saisies" dites "conservatoires" : les objets désignés demeurant sous la garde du débiteur. Le moment dramatique, le "recollement des meubles saisis" est réalisé par les peines et soins des commissaires prieurs. N'importe, le produit agro-alimentaire de référence, remontant à 1922 vaut mieux que ses publicitaires. ⇑
- en ligne le 22/06/2012 à 16:35.⇑ .
- publiées sur le site du Figaro 22 juin 2012. ⇑ .
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