Ami des monopoles en économie l'homme du soi-disant redressement productif ne détient pas, en politique, celui de l'opportunisme. En passe de devenir l'adversaire préféré de la droite, le compagnon de la si talentueuse et délicieuse Audrey Pulvar vaut à cet égard lui-même le détour.
Lorsqu'il exerçait l'honorable profession d'avocat, au barreau de Paris de préférence à celui de Châlon-sur-Saône, il ne pouvait ignorer qu'une fois sur deux, environ, on se situe du bon côté, celui auquel les magistrats donnent raison. Il lui en est ainsi venu un sens très aigu des vérités alternatives.
Et on l'a toujours vu décomposer ses pas de danses en quatre mouvements.
Et un : je me fais remarquer par une posture spectaculaire et, si possible à la fois véhémente et élégante. Maurice Barrès aurait souligné en son temps, le "joli mouvement du menton".
Et deux : je me réjouis de l'effarement de ceux qui m'entourent, car je les dérange.
Et trois : il ne se passe rien de concret.
Et quatre : je rentre dans le rang en reculant sur toute la ligne.
Ainsi donc, dès ses premières déclarations martiales et accusatoires contre le groupe Peugeot le 12 juillet, le ministre s'est probablement rendu compte, et il a dû se réjouir à l'idée d'une telle perspective, qu'il indisposait son propre camp.
Michel Sapin, plus bureaucratique et moins médiatique ministre du Travail, intervenait, le 26 juillet (1)⇓ , au lendemain d'une prestation particulièrement représentative, et donc singulièrement creuse, de son brillant compagnon de galère gouvernementale.
Celui-ci, sur la sellette depuis plusieurs jours s'était théâtralement écrié, à la tribune de l'Assemblée Nationale (2)⇓ : "nous défendons et nous mobilisons la nation toute entière autour de la voiture propre et populaire". Nulle crainte de la boursouflure ne pouvait arrêter cette antiphrase s'agissant de modèles coûtant aux particuliers deux ou trois fois le prix d'un véhicule ordinaire.
Or, à première vue, on pouvait penser que les déclarations du bon Sapin sentait bon le soutien au collègue et néanmoins camarade. En les décryptant de plus près, cependant, l'ambiguïté même des formules utlisées pouvaient être interprétée comme une forme de désaveu.
Les commentateurs agréés se sont naturellement rués sur un prétendu lapsus : "nul ne voudra encadrer la foudre d'Arnaud Montebourg". Foudre au lieu de fougue ! rendez-vous compte. Avec des amis comme cela pas besoin d'ennemis ! Mais non vous vous trompez : on le qualifie de "Zeus olympien". En toute simplicité ! Et d'ailleurs, super ministre "sait frapper là où il faut". Avec lui, les affreux acteurs et complices des délocalisations n'ont qu'à bien se tenir !
De tels rideaux de fumée dissimulent assez mal le malaise, théorique et pratique, dans lequel on cherche à faire patauger l'opinion française.
Vaguement protectionniste, comme tout démagogue qui se respecte, Arnaud Montebourg "tonne contre" la mondialisation et la concurrence. Il ne peut évidemment rien faire d'autre que de capitaliser au profit de sa propre popularité de mauvais aloi : ne s'agit-il pas du principal de ses objectifs ?
Et pour ne pas se tenir en retrait, un autre membre du même glorieux gouvernement Ayrault est monté au créneau pour s'indigner de l'installation au Maroc d'un centre d'appel du "Syndicat des Transports d'Ile-de-France". Et donc Frédéric Cuvillier, a cru bon de déclarer le 28 juillet qu'il fallait faire "correspondre le droit et l'intérêt national" (3)⇓ .
Personne n'osera répondre sur le fond, tant à M. le Ministre des Transports aussi bien qu'à son camarade en charge du fameux Redressement productif. Chaque fois que je rencontre cette expression, c'est plus fort que moi, je suis tenté de rire nerveusement. Mais enfin l'intérêt national des contribuables comme celui des usagers impose au STIF gestionnaire subventionnaire des transports publics en région parisienne de faire mieux avec moins de gaspillages. Et si l'on doit employer des salariés marocains, autant leur permettre de vivre et travailler dans leur pays.
Le protectionniste et monopoliste Montebourg fait semblant de l'ignorer aujourd'hui.
Le ministre Montebourg trouve désormais dangereux pour le secteur des télécommunications que l'on ose adjoindre un quatrième opérateur aux excellents maîtres du jeu actuel. Pourtant, quand il s'agissait de polémiquer contre le gouvernement précédent, il énonçait, au début de l'année 2012, cette vérité économique sur son compte Twitter: "Xavier Niel vient de faire avec son nouveau forfait illimité plus pour le pouvoir d'achat des Français que Nicolas Sarkozy en 5 ans."
Belle illustration du caractère alternatif des vérités de notre homme.
C'est fou comme l'accès à l'assiette au beurre transforme un personnage presque intelligent en défenseur des intérêts installés, ceux des bureaucraties syndicales comme ceux du gros argent monopoliste.
JG Malliarakis
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